"Il est temps de reprendre ce qui nous appartient..."

Derrown hocha la tête. Les réponses des deux adolescents ne le surprenaient aucunement. Il avait seulement eu besoin d'entendre leur ton convaincu et déterminé pour se motiver. Encore une fois, le photographe avait pensé à gérer cette opération par lui-même, mais WandorTech appartenait à son neveu, pas à lui. Il était donc légitime qu'il participe activement à l'opération. Et s'ils pouvaient empêcher le sang de couler, il le ferait. Dans une guerre administrative comme celle-là, certains moyens pouvaient être pris et ainsi éviter de tout faire sauter. Derrown était déjà considéré comme un terroriste par Orgétik, sa réputation était donc déjà foutu. Il ne voulait pas que cela arrive aux Wandor.

Derrown se saisit d'un tabouret et se rapprocha de la table où Érick avait déplié les plans. Il les regarda un instant, réfléchissant rapidement à la meilleure tactique.

-Bon. Nous avons jusqu'à 13h demain pour agir. Je propose qu'on commence par aller faire un tour en éclaireur. Il faut surtout vérifier cette zone, ici. Je crois que ce sont des entrepôts. Nous devons aussi désactiver les systèmes de sécurités et les systèmes qui risquent de se déclencher lorsque l'on utilise nos pouvoirs. Le poste de garde se trouve... là! Et il y a un bureau au rez-de-chaussé. Nous devrons donc nous séparer pour désactiver les deux systèmes en même temps.

Le photographe saisit un autre plan de l'immeuble et le consulta un instant.

-Bon. Il est logique de penser que la rencontre se déroulera dans l'une des salles de réunions, mais il y en a six... Faudra improviser lorsque nous serons dans cette pièce puisqu'il n'y a aucun moyen de déterminer à l'avance dans laquelle nous serons. Le gros problème à considérer, c'est qu'elles se trouvent toutes au 65ième. Donc, pas question de sauter par une fenêtre pour s'échapper!

Après un court moment de silence, Derrown se tourna vers les membres de sa famille et dit :

-Selon moi, le plan peut se résumer ainsi : Étape #1 : Éclaireur, on fait le tour du complexe et on fait du repérage; Étape #2 : la porte de sortie, on s'assurer d'avoir un espace dégagé ou s'enfuir si ça se passe mal; Étape #3 : Sécurité, on s'attaque aux systèmes de sécurités et on s'assurer qu'ils restent assez longtemps désactivés; Étape #4 : La réunion, on assiste à la réunion planifiée par le conseil en souhaitant que ça s'arrête là. Et, finalement, Étape #5: Improvisation. C'est là qu'on prit pour notre bonne étoile et qu'on espère n'avoir à rien faire sauter. Érick, qu'as-tu comme gadgets qui pourraient nous être utile ?

Derrown hocha la tête, bien satisfait du matériel qu'ils avaient en leur possession. Bien sûr, celui-ci ne rivalisait pas avec l'arsenal d'Orgétik, mais le trio possédait aussi des pouvoirs qu'il ne fallait pas sous-estimer. Et le photographe comptait bien s'en servir pour se sortir des pires situations qui se présenteraient! Ils étaient prêts à se battre et n'abandonneraient sous aucun prétexte.

-Bonne idée, Sam, dit-il en consultant à son tour l'annonce. Je ne crois pas que les bureaux de WandorTech soient au courant de ta nouvelle apparence physique et avec des lunettes, un tailleur et un chignon, tu passeras inaperçu! Ce sera beaucoup plus simple pour nous d'avoir quelqu'un à l'intérieur...

À cette dernière phrase, Derrown songea un instant à Ike Gawain. Les deux hommes s'étaient vus la veille pour conclure un marché, mais ce dernier ne stipulait pas de les aider à forcer les défenses de WandorTech. Bien que les talents de l'agent leur auraient très utile, ils allaient devoir s'en passer pour l'instant. Ike entrerait en jeu seulement quand son tour arriverait. Pour l'instant, ils pouvaient compter sur leurs pouvoirs et leurs gadgets. De plus, le photographe savait par expérience qu'un trop grand nombre de personne risquait de compromettre l'opération. Non. Trois était un chiffre magique sur lequel ils pouvaient compter.

-Maintenant que nous avons nos gadgets et notre porte d'entrée, parlons maintenant du côté administratif. N'oublions pas que nous allons là-bas pour négocier le retour en poste d'Érick, principalement. Nous avons donc besoin de munitions de négociations. Notre premier carte sera notre bluff concernant l'âge d'Érick. Mais ensuite ? Que devons-nous exiger ? Sa remise en poste immédiate ? C'est peut-être le plus légitime... As-tu une copie des documents qui attestent que tu es le propriétaire légitime de WandorTech à ta majorité ? Ça serait grandement utile...

Derrown hocha la tête.

-Effectivement, cela pourrait être un avantage.

Le photographe farfouilla dans les affaires qui traînaient sur la table et mit la main sur une carte de la région. Il l'ouvrit et l'étudia quelques secondes.

-Bon. Munatie se trouve ici et le siège administratif de WandorTech, ici. Ce n'est pas très loin l'un de l'autre, mais peut-être suffisamment pour éviter le boom temporel. Mais bon, on ne peut en être sûr et c'est probablement la carte qu'ils vont jouer : si les bureaux de WandorTech ont été pris dans le boom temporel, peut-être diront-ils que, pour eux, tu as toujours dix-sept ans et que ce phénomène implique des réajustements administratifs et blablabla! Tout pour essayer de gagner du temps, quoi! Dans ce cas, faudrait qu'on leur dise que tu étais à l'extérieur de Munatie. Comme ça, les papiers seraient formels. Va chercher ton passe-port.

Derrown et Érick passèrent ensuite quelques minutes à falsifier les papiers de l'adolescent pour faire en sorte d'avoir des "preuves" de sa sortie hors de la ville pendant la petite crise de Samantha. Ainsi, ils se retrouvèrent avec un passe-port rempli de tampons de voyages, de fausses cartes postales et ils récupérèrent dans la maison des bibelots qui pouvaient passer pour des souvenirs de voyage récent.

-Bon. Ça suffira pour l'instant, dit Derrown en contemplant le travail qu'ils avaient fait. On a nos gadgets, notre secrétaire, nos "preuves" d'argumentation, les papiers avec les signatures... Il faut plus que compter sur la chance et nos talents d'improvisateurs, termina-t-il sur un ton légèrement grave.

L'oncle d'Érick se rassit sur un tabouret, pensif. Ils leur restaient encore plusieurs heures avant l'heure du rendez-vous. Ils allaient donc avoir une grande marge de manœuvre pour allez explorer le site, mais il ne fallait pas fureter trop longuement, sinon les chances de se faire repérer augmentaient. Derrown jeta un coup d'oeil à l'horloge de l'atelier et dit :

-Pour une fille qui manipule le temps, je la trouve bien longue pour choisir des vêtements, dit-il avec un sourire complice. Dès qu'elle arrive, on part. Tu te sens prêt ?

Un large sourire naquit sur le visage de Derrown alors qu'il rigolait de la blague lancée par sa nièce. Le changement de look de Samantha était radical! Même son frère avait du mal à le croire. Ça se voyait autant par son habillement que par l'attitude qu'elle se donnait. Maintenant, l'altération sur son corps qu'avait provoqué le crash temporel rejoignait beaucoup plus la maturité qu'avait acquis l'Allemande au fil de ses voyages. Derrown savait donc qu'elle était en pleine possession de ses moyens dans ce combat. Il lui faisait totalement confiance.

-Bon, dit-il en tapant dans ses mains. Maintenant que nous sommes là, il est temps de partir.

Le photographe se redressa et vint rejoindre les deux jeunes adultes. Il s'assura une dernière fois qu'ils emmenaient avec eux tout l'équipement nécessaire, puis, ils joignirent leurs mains. D'un seul clignement d'yeux, le trio quitta l'atelier pour se retrouver dans un nouveau quartier. Par chance, personne ne sembla relever l'étrange apparition. D'un hochement de tête, Derrown fit signe aux deux autres de le suivre. Ils longèrent le trottoir pendant quelques minutes en ligne droite, le temps de se familiariser avec leur environnement.

Le trio était apparu dans un quartier moderne, proche d'un centre-ville. Quelques immeubles à bureau s'élevaient vers le ciel tout en côtoyant des restaurants et des magasins divers. Des ruelles menaient aussi à des blocs appartement rassemblés en petite cellule, donnant un léger aspect de quartier résidentiel à l'intérieur même d'une section plus bureaucratique de la ville.

En voyant certains restaurants, Derrown eut la vague impression d'être déjà venu. Mais ces souvenirs remontaient à une époque proche de son enfance alors ils n'étaient pas clairement définis, mais assez pour qu'il puisse se repérer. Sans hésitation, il bifurqua dans une rue adjacente, continua sur quelques mètres, traversa une place publique et retomba dans une rue plus achalandée.

-Voilà WandorTech, dit-il en pointant du doigt un très gros immeubles à leur droite. Notre destination. Sois prudente Samantha, dit-il avant d'entraîner Érick vers les entrepôts.

À la vue de la caméra, Derrown tira son neveu par la manche pour le sortir de l'angle de vu de l'engin. Ils se plaquèrent sur le mur d'un immeuble voisin et le photographe s'accroupit pour permettre à Érick de regarder par-dessus lui. Silencieux, les deux intrus observèrent pendant un instant les va-et-viens de camions et d'employés. Il y en avait très peu, se qui était un avantage pour deux personnes désirant entrer dans un endroit sans permission. De plus, ils ne semblaient pas avoir besoin de passe magnétique pour ouvrir les portes. La force d'Érick allait donc leur être très utile.

Tout à coup, un camion s'approcha pour entrer dans l'enceinte de WandorTech. Lorsqu'il s'arrêta pour permettre au conducteur de parler à un autre employé, le camion dissimula momentanément une caméra.

-Allons-y! s'écria Derrown, voyant que c'était leur chance.

Ils s’élancèrent donc à vive allure, le dos courbé pour aller se cacher derrière un petit cabanon. Le photographe montra la porte du doigt à Érick et celui-ci comprit se qu'il devait faire. Les deux hommes entrèrent.

-Ouf! Nous voilà à l'intérieur, dit l'oncle. Nous avons passé les premières défenses, maintenant, faut rester à l'intérieur.

Derrown jeta un coup d'oeil autour de lui. Il vit alors une boîte où il était inscrit "uniformes". Santant intérieurement de joie, il défit la boîte et dénicha deux uniformes d'employés de la WandorTech, un pour lui et l'autre pour Érick. De plus, les uniformes venaient avec des casquettes, se qui pouvait dissimuler leur visage à la vue des caméras. Lorsqu'ils furent prêt, ils sortirent du cabanon. Derrown choisit un entrepôt au hasard et s'y dirigea. Marchant naturellement, il tentait de laisser paraître qu'il savait où il se rendait et pourquoi il s'y rendait. Tout se passa comme sur des roulettes. Personne ne les arrêta, ni ne leur posa de questions. Ils se retrouvèrent bientôt dans une partie d'entrepôt contenant de grands contenant de verres.

-Qu'est-ce que s'est ? demanda-t-il à Érick qui lisait les étiquettes.

Horrifié par se qu'il entendait, Derrown ouvrit de grands yeux et se précipita vers un autre cylindre. À son tour, il essuie la buée et découvre le visage d'un homme. Les yeux fermés, il semble dans un état de plénitude, comme s'il dormait d'un profond sommeil. Par contre, sa peau légèrement bleuté et la givre qui recouvre ses cils montrent plutôt qu'il se retrouve dans un état de froid intense. Le photographe détache ses yeux de ce spectacle, dégoûté. Les dents serrées, il s'écarte un peu et compte rapidement cinq cylindres comportant chacun un humain, sans aucun doute un Spécial. Puis, son regard aperçoit un dossier sur une caisse de bois. Il s'en approche, l'ouvre et le lit.

-C'est une demande de transfert, dit-il en parcourant les différentes feuilles du dossier. Ils doivent quitter le pays ce soir, avec la prochaine livraison. Deux doivent aller dans un laboratoire aux États-Unis, un est transféré dans une Orgétik d'Europe et les deux derniers sont envoyés dans le niveau C-34, mais j'ignore le pays. Ils parlent de défauts, de contrats qui non pas été bien remplies... Je ne comprends pas trop le sens de tout cela, mais on ne peut pas permettre de laisser passer ça.

Derrown remit le dossier à sa place et indiqua une porte un peu plus loin. Il va l'ouvrit et les deux garçons se retrouvent cette fois dans un entrepôt regroupant des pièces de métal de toutes sortes. Grosses comme petites, les pièces sont rangées et répertoriées selon un classement inconnu aux deux intrus. Voyant qu'ils n'avaient pas grand chose à voir ici, Derrown traversa rapidement l'entrepôt pour aller ouvrir une nouvelle porte. En l'ouvrant, il s'arrêta brusquement. Il venait de trouver la porte qui menait à l'intérieur de WandorTech. Heureusement, le couloir qui s'offrait à lui était vide et la seule caméra visible ne pointait pas dans leur direction.

D'un geste vif, Derrown sortie la carte de l'immeuble qu'il avait pris soin d'emmener et la déposa par terre.

-Nous sommes ici. Bon. Je propose qu'on suive ce couloir pour rejoindre la salle électrique et voir s'il est possible de tout désactiver à partir de là. À moins d'aller voir les postes de gardes en premier... Qu'en penses-tu ?

Déterminé, Derrown approuva la décision de son neveu et remballa rapidement la carte. D'un mouvement rapide, les deux intrus se dirigèrent jusqu'à la salle électrique. Heureusement pour eux, rien de fâcheux ne se passa. Ils avançaient sans encombre et les quelques rares personnes qu'ils croisèrent ne firent pas attention à eux. Cette perspective animait le photographe d'un feu nouveau. Il savait très bien que leur plan reposait principalement sur la discrétion. Si on les découvrait, ils étaient foutus.

En moins de deux minutes, ils entraient dans la salle électrique. Érick se mit alors au travail, inspectant les divers fils électriques encombrants la salle. Pour sa part, Derrown se mit les mains dans les poches et s'accota au mur adjacent du corridor. Il savait pertinemment qu'il était inutile pour cette partie du plan, alors valait mieux ne rien dire et laisser l'expert au travail. Au moins, il pouvait surveiller le couloir et les environs.

Tout à coup, sa poche vibra. Il venait de recevoir un message texte. Fronçant les sourcils, il regarda l'écran de son cellulaire pour décoder le message. Cela lui prit quelques secondes pour comprendre ce que voulait dire Samantha.

-On a un problème, dit l'oncle en allant voir Érick. Alicia est dans le bâtiment. Sam l'a vu. Et en pleine forme! Pourtant, je suis certain de l'avoir fait bien griller! Ils doivent avoir quelqu'un capable de guérir...

Derrown secoua la tête. La présence d'Alicia n'annonçait rien de bon. C'était une agente surentraînée, possédant un pouvoir très bien maîtrisé et qui avait atteint un échelon difficile à atteindre chez Orgétik. Il fallait donc la craindre et ajouter son niveau de danger à l'équation de leur plan.

-Je vais lui répondre "Très bien cousine, c'est noté! Le repas sera prêt à la même heure, on ne change rien. Assure-toi juste de bien t'occuper de ta plante, on réalise vite qu'il faut les tenir à l'oeil si on veut les entretenir!" J'espère juste qu'elle ne se mettra pas en danger...

Soudainement, la porte s'ouvrit et un homme entra. Derrown eut tout juste le temps de se plaquer contre le mur du fond avant que le nouvel arrivant ne lève sa tête du papier qu'il consultait.

-Ha! dit-il en voyant Érick. Vous êtes l'électricien ? Je croyais que vous ne deviez arriver qu'à 16h ? En tout cas, y'a l'air climatisé qui a encore planté au 12ième étage. Vous saurez arranger ça rapidement ?

Le photographe retient sa respiration. Il n'était qu'à deux mètres de l'homme, mais ne savait pas encore s'il devait réagir ou non. Pour l'instant, il n'avait pas été repérer, alors il comptait sur Érick pour les sortir de ce pétrin.

Derrown cherchait à tenir sa respiration la plus base possible, de peur d'alerter l'homme. De plus, il restait concentré sur les différentes possibilités qui pouvaient se présenter à lui, car il ne savait pas quelles seraient les actions de l'homme en voyant un intrus. Heureusement, Érick gérait bien la situation et le photographe pu en profiter pour se dissimuler en arrière d'un panneau de contrôle. Il pu donc continuer à suivre l'échange verbal qu'eurent son neveu et l'employé de WandorTech en toute tranquillité.

-Bien joué, dit-il en sortant de sa cachette lorsque l'homme fut partie. Tu as fait ça comme un pro! Maintenant, la partie la plus importante est de contrôler leurs systèmes de sécurité. Ensuite, on va monter sur le toit pour désactiver les antennes qui détectent les pouvoirs.

Derrown laissa donc faire Érick quelques minutes pour que celui-ci s'assure d'avoir un parfait contrôle sur les systèmes de sécurités, puis, ils empruntèrent les escaliers de service pour monter jusqu'en haut. Grâce aux petits ajustements qu'avaient opéré le jeune homme dans le système électronique, les deux complices purent utiliser leur vitesse accrue pour monter plus rapidement les nombreux étages qui les séparaient du toit.

Une fois en haut, ils défoncèrent le verrou et sortirent à l'air libre.

-Oh merde... grogna Derrown lorsque quatre gardes armés se tournèrent vers eux dans un geste brusque.

Ça, ils l'avaient pas prévu...

Alicia fit un sourire qui se voulait jovial à Samantha avant de l'inviter à prendre les devants. L'agente d'Orgétik la suivit sans dire un mot, concentrée à chercher des mots convaincants. Elle avait une mission à remplir et ce n'était pas une secrétaire qui devait l'arrêter.

Une fois dans le bureau, Alicia s'assit devant Samantha, croisa les jambes ainsi que ces doigts puis lui sourit.

-Vous savez Sophia, vos employeurs sont très contents d'avoir pu trouver une remplaçante aussi rapidement. Un départ en congé de maternité est, certes très bénéfique, mais la boîte ne peut pas s'arrêter de tourner! C'est donc pour cela qu'ils vous ont engagé. J'ai pu jeter un oeil à votre cv et celui-ci est très impressionnant. Je suis sûre qu'ils ont fait le bon choix.

Alicia décocha un nouveau sourire avant de lisser son tailleur et de continuer son discours.

-Par contre, en tant que représente d'Orgétik, je dois m'assurer personnellement de certaines de vos qualifications... Sophia, je ne vous cacherai pas que la réunion à laquelle vous aller assister comportera des sujets de conversations... délicats. Et peut-être même étranges. Mais nous avons besoin d'être certain que vous serez discrète et que le secret professionnel entrera dans vos valeurs. N'est-ce pas ?

Les gardes semblaient tendus. Ils ne bougeaient pas, attendant sans doute que celui qui avait parlé continu l'échange verbal. De son côté, Derrown savait bien qu'il ne pouvait pas utiliser sa télépathie sans risquer de se faire repérer. Il devait donc espérer fortement que les quatre gardes agiraient intelligemment. De plus, Érick était tout à fait crédible dans son rôle de réparateur et le fait qu'il montrait une passe rendait le tout encore plus cohérent. Heureusement pour eux, les gardes semblèrent les croire et ils abaissèrent légèrement leurs armes.

-D'accord. Je crois que le panneau de contrôle se trouve derrière les gros ventilateurs là-bas. On vous laisse passer.

Derrown les remercia d'un signe de tête et suivit docilement le garde qui les mena à une énorme boîte métallique. L'homme l'ouvrit et ils se retrouvèrent face à une dizaine de fils électriques et de tuyaux de différentes sortes. Le garde leur souhaita bonne chance, puis retourna à son poste.

-On fait quoi ? demanda l'oncle à son neveu. Les antennes sont derrières nous et toujours gardées. C'était un beau numéro d'acteur, mais ça ne nous avance pas.

Derrown jeta un coup d'oeil par-dessus son épaule : deux des gardes les regardaient avec des airs soupçonneux. Le photographe soupira et s'accota contre le grand boîtier, de sorte que le corps de son neveu penché sur les filages soit dissimulé à la vu des quatre autres hommes. Malheureusement, c'était vrai que ça pouvait paraître louche comme position.

-Crois-tu pouvoir atteindre le système des antennes par ici ? À moins d'attirer les gardes dans un piège : on pourrait leur demander de venir chercher des outils avec nous et on les assomme dans la cage d'escalier!

Alicia rigola un peu. Il se replaça dans sa chaise, lissa son tailleur et dit :

-Vous êtes mignonne. Je comprends pourquoi on semble vous trouver "dévouée à la tâche"!

Puis, se calant dans son fauteuil, l'agente prit un air soudainement très grave et lâche un peu sèchement :

-Malheureusement, ça ne sera pas suffisant, ma petite. On ne vous demande pas de "comprendre" la réunion, mais plutôt de fermer votre gueule et de rédiger les rapports qu'on vous demandera de rédiger. Cette réunion est très importante pour l'avenir de nos deux compagnies. Aucune erreur ne doit transparaître.

Alicia se leva alors de sa chaise. Il se dirigea vers la porte, tourna la poignée et lança quelques derniers mots avant de sortir :

-On vous attend au 65ième étage, salle B76. Ne soyez pas en retard, la réunion commence à 13h tapante.